Je vais vous parler du Logiciel en France et des opportunités que cela peut représenter et qui sont totalement à mon sens malgré ce qu'a dit Axelle Lemaire ce matin non seulement sous-représentées mais aussi sous-utilisées et même complètement sous-évaluées, c'est-à-dire on s'en fout com-plè-te-ment. On n'écoute pas... Voilà.
Donc le paysage français dans le domaine est quand même un énorme bigntz, construit comme une usine à gaz avec énormément de communication et pour être très franc quand même peu d'action.
Le Ministère de l’Économie Numérique qui nous fait... bah Axelle Lemaire est une personne charmante, qui a des vraies convictions, on est bien d'accord, elle fait ce qu'elle peut, mais il ne faut pas oublier que c'est un Ministère sans budget. Rattaché directement à un très haut Ministère de tutelle sans avoir d'autonomie propre à lui-même.
Donc on a hérité en fait, alors que notre industrie devrait avoir quelque chose d'extrêmement sérieux pour faire décoller un écosystème en France, nous avons hérité dans le Gouvernement d'un véritable strapontin et pas plus que ça...
Quand on voit ce qui s'est passé il y a quelques années avec l'affaire du « Cloud Souverain » - vous reconnaissez probablement les deux noms Numergy et Cloudwatt qui ont merdé dès le jour numéro 1 jusqu'au jour de leur fermeture en coûtant au contribuable €75m chacun pour quelque chose dont TOUTE l'industrie avait averti les Ministères en disant « ça ne marchera jamais, écoutez-nous, c'est mal barré » - on a dépensé ce pognon en pure perte. La question à se poser, c'est €150m en pure perte, combien de boîtes on aurait pu lancer avec ? Combien de jeunes on aurait pu aider ? Combien de projets géniaux - je parle bien de technologie, je ne parle pas du site Web qui met en relation le gars qui veut prêter son marteau à son voisin, ça n'a rien à voir, pour moi ce n'est pas de la technologie - combien on aurait pu en lancer ? Je vais vous en parler derrière. (NOTA BENE 5/7/2016 : il semble que l'argent public dépensé puisse être inférieur à ces €150m ; ce n'est pas le message qui m'a été envoyé par des amis personnels travaillant à Bercy)
On a le problème Syntec. Si vous travaillez dans l'Informatique, nous sommes tous ici ou presque, à de rares exceptions près (il y a la Convention de la Métallurgie), on dépend de Syntec. Or Syntec, la qualification 2.1, qui est la première qualification de manager, vous interdit de continuer à travailler dans la technique (NOTA BENE 5/7/2016 : cette interdiction n'est pas formelle noir sur blanc mais le virage managérial est clairement donné dès la qualif 2.1 et dans les faits, un Chef de Projet ne met quasiment plus jamais les mains dans le cambouis dans une SSII sauf dans les petites structures). On est le seul pays au monde à avoir une organisation de cette nature-là. Vous allez partout ailleurs et vous avez une double chaîne hiérarchique : la chaîne managériale et la chaîne technique... L'une va vers le CEO, l'autre va vers le CTO. En France, premier échelon de manager, vous n'êtes plus un technicien, c'est terminé. Donc il faut détruire Syntec ou, à tout le moins, faut que les informaticiens, les vrais techos de France disposent d'une convention collective qui les représente. Syntec, je vous rappelle que c'est les consultants, les SSII (un consultant en réorganisation et une SSII sont dans le même sac) et si mes souvernirs sont bons, des intermittents du cirque. Nous sommes dans le même paquet (NOTA BENE 5/7/2016 :j'ai retransmis ici, sur le cirque, un message fourni par un de mes amis ; je ne suis plus entièrement certain de ce fait. Il reste que les entreprises organisatrices d'évènements, conférences et autres raouts de ce genre sont elles bien présentes dans Syntec). Il est peut-être temps de faire autre chose...
Nos politiciens sont non seulement incapables de penser différemment - le fameux Think Different de Steve Jobs - mais ils sont également incapables de nos écouter. Nous sommes des petites mains, plus vus comme des techniciens que comme des ingénieurs. On est aussi incapables de se fédérer. On a non seulement un véritable problème d'écoute de la part de ces gens-là, mais on a nous-mêmes un problème de représentation.
Je vais aller relativement vite et puis après s'il reste du temps, on interagit, c'est beaucoup plus cool comme ça.
Donc quel est l'état, vraiment, de notre métier ? Je vais vous parler de mon cas personnel... Mon père ne comprend absolument rien à ce que je fais. Il essaye, il a 87 ans, il essaye mais il ne pige pas. Je lui ai offert un Mac, il s'en sert, il y a des fois il fait des très bonne remarques mais pour lui, c'est une boîte noire, ça marche. Y'a un démon là-dedans quelque part...
Si vous êtes dans une entreprise, en général, votre commercial ne comprend rien non plus à ce truc-là... Il le vend très bien mais si demain il devait vendre des lapins ou des balais, il vendrait des lapins ou des balais. En général, il n'essaye pas de piger ce que vous faites, ce que vous vendez, quel est l'avantage concurrentiel.
À moins qu'il ait un background technique à la base, votre patron ne comprend rien non plus. Il est un bon lanceur de boîte, un bon entrepreneur, ça fait en général un bon moment qu'il est largué par la technique et les solutions techniques implémentées par ses développeurs le dépassent en général complètement. Ce n'est pas grave, c'est complètement normal, mais il faut le prendre en compte.
Quant au Gouvernement... Alors là, quand vous suivez les dernières annonces dans le monde de la high-tech, il confond allègrement software et hardware, PME et groupes du CAC40, infrastructure et logiciels, déploiement et services. Quand vous entendez qu'une boîte qui vend du Canigou sur Internet est une boîte de high-tech, il y a quand même des questions à se poser...
Donc on va réutiliser le motto d'Al Gore, An Inconvenient Truth, il faut quand même poser les faits...
En dehors des vraies boîtes qui font de la high-tech - et encore quand je dis high-tech, du Logiciel de haute technologie - on ne fait pas de Logiciel. Le Logiciel est une commodité, ça doit marcher comme le téléphone. Le téléphone ne marche pas, vous poussez une gueulante, quoi le téléphone ne marche pas ?
On demande à tout informaticien qui se fait recruter d'avoir un CV long comme le bras, qui correspond à peu près au nombre d'années d'études d'un médecin. C'est comme un médecin, il doit se maintenir à jour en permanence, un informaticien s'il est sérieux est un étudiant à vie mais on est payés des nèfles et on est considérés comme des petites mains. On est là pour exécuter mais pas pour penser. Ça, c'est un problème que tout le monde connait et encore je ne parle pas de ceux qui sont en SSII qui sont traités comme de la viande. Les SSII qui ne font pas des produits... Elles vendent de la croissance aux actionnaires. La seule chose qui compte est d'avoir une croissance à deux chiffres pour les actionnaires et le client, en général, on s'en fout. Il n'y aucun suivi, les gars qui sont là ne sont plus là le lendemain, ils sont sur un autre projet. Les SSII, y'en a des très bonnes attention, il y a des gens qui font leur métier très bien, mais ce ne sont pas des boîtes de haute technologie.
Donc à part nous qui sommes dans le Logiciel de high-tech, personne ne comprend ça en France... On n'est pas en Silicon Valley, y'a pas l'historique, on n'a pas eu Hewlett et Packard dans un garage, on n'a pas eu Jobs et Woz dans un garage, ce n'est pas notre milieu. On n'est pas nés dans le bon pays.
Ah oui, on a eu Bull, c'est vrai. Oui, il faut le signaler quand même. Bull a quand même eu des supercalculateurs, y'a eu des gens très bien. Maintenant il faut pas oublier qu'un des papas de la commutation par paquet est français et qu'il a du s'expatrier parce qu'en France personne n'y croyait, que Roland Moreno avec la carte à puce a du aller ailleurs.
Donc c'est quoi notre pays de notre point de vue d'informaticiens ? Tout informaticien du Logiciel a toujours au moins une fois dans sa vie entendu « nul n'est irremplaçable ». Quand on dit attention, Machin va s'en aller, c'est un pilier du projet, on a « nul n'est irremplaçable »... Ce n'est pas vrai. Une boite qui embauche des gens remplaçables est une boîte qui a des problèmes de ressources humaines, c'est une boîte qui ne va pas à l'excellence et c'est une boîte qui n'est pas concurrentielle sur le marché. Quand on veut bâtir de l'Innovation, on embauche des gens irremplaçables.
Donc ce truc-là, on continue à l'entendre de tous nos politiques, de la part de tous nos managers, de la part de tous nos dirigeants, et c'est CELA, le problème français. On est complètement incompétents sur la manière de nous recruter, nous les techos.
Je vous l'ai déjà dit mais une compagnie qui vend du Canigou n'est pas une boîte de high-tech. Tinder n'est pas une boîte de high-tech. Le Bon Coin n'est pas une boîte de high-tech. L'ancien président et désormais futur candidat a rendu visite au Bon Coin, mais le Bon Coin n'est pas une boîte de haute techologie. Ce n'est pas avec ça qu'on va faire des GAFA. Ce n'est pas avec ça qu'on va faire des grandes boîtes qui vont faire du logiciel sur l'étagère et qui seront présentes dans tous les ordinateurs du monde. Donc ce n'est pas avec ça non plus qu'on va créer un écosystème dans le Logiciel.
Donc on va faire un petit jeu là tous, on n'est pas très nombreux, j'aurais espéré plus pour que ça ait un peut plus de force, mais levez-vous tous s'il-vous-plait. On va faire un petit truc, il y en a pour deux minutes, vous allez voir ce n'est pas très long...
Si vous n'avez PAS d'ordinateur, asseyez-vous. Wow, il y en a encore un, deux ! J'ai pas dit ici, je dis bien en général hein. Aaah voilà.
Si vous ne comprenez pas « counter++; », asseyez-vous.
Si vous ne disposez jamais d'une chaise, asseyez-vous.
Si vous ne disposez jamais d'un bureau, asseyez-vous...
Qui n'est pas connecté dans la salle, asseyez-vous... Aucune connectivité, jamais. Vous avez tous une connectivité...
Qui n'a pas de cerveau, asseyez-vous :-)
Globalement, vous êtes tous restés debout. Vous pouvez vous rasseoir, merci beaucoup de vous être prêtés à ce petit jeu. Tout ça, ce sont les seules choses qui sont strictement nécessaires pour démarrer une boîte dans le Logiciel. Il faut un cerveau, une chaise pour poser son auguste fessier, une table pour poser son auguste machine, le cerveau pour avoir l'idée est gratuit. Et la connectivité est désormais indispensable pour aller consulter les docs, pour pousser ses binaires, pour pousser ses sources sur GitHub, des choses comme ça...
C'est pas grand'chose, on va faire un petit total...
J'ai pris la 1ère chaise Ikea relativement confortable et solide, 39€.
J'ai pris le 1er bureau Ikea à peu près raisonnable et sur lequel on peut mettre une imprimante, des papiers, son ordinateur et qui dure un certain temps... 75€...
Une bécane à peu près décente, c'est-à-dire qui soit pas un processeur de base, sur laquelle une compilation met pas trois heures. 500€...
La connectivité, tout va entre 29 et 42€ par mois pour avoir quelque chose de très confortable.
Coût Total pour six mois de travail ? 824€...
Trouvez-moi une seule autre industrie sérieuse qualifiable de ce nom où on peut démarrer un projet en six mois pour 824€ ? Il n'y en a pas... Vous voulez aller dans la biochimie, dans le bois, dans la construction, y'en a pas. Toutes les autres, le ticket d'entrée démarre en plusieurs dizaines de milliers d'euros, voire plusieurs centaines de milliers d'euros.
Il faut de l'équipement, du personnel, des accréditations, des habilitations. Là, rien, vous n'avez besoin de rien. Vous avez déjà tout ce qu'il vous faut et il faut mettre le cerveau en marche et puis il faut se lancer. Ça, c'est le plus dur, se lancer, beaucoup de gens ont besoin du coup de pied aux fesses pour y arriver. Moi-même, je vais vous raconter un peu plus tard comment ça s'est passé.
Donc ÇA, c'est un atout qui est incroyable, que personne ne mentionne en ces termes-là et c'est bien dommage parce que ça prouve le ROI et que la prise de risque est extrêmement faible. On peut se lancer pour pas grand'chose, même en étant étudiant, même en étant en perruque dans un autre chose, on a tous démarré des petits projets, des petits sources sur GitHub alors qu'on fait autre chose dans nos boîtes ! Tous ! En tous cas, tous les informaticiens que je connais et qui font du Logiciel...
On a tous eu la tentation d'aller vers ça et c'est un fait connu de toute notre communauté d'employés, d'ingénieurs, de techniciens, que le Gouvernement ne voit absolument pas...
Alors reprenons un peu ce que l'on pourrait faire en France si on avait deux doigts de jugeote au niveau des Ministères...On a environ 50 000 étudiants en France dans le domaine du Logiciel. Ça peut sembler beaucoup mais 50 000 c'est 1/3 de ce qui sort de Bengalore tout seul, en Inde, par an. Et en Inde, y'a Bengalore, Hyderabad, Delhi, etc. Donc c'est tout petit, petit, petit. On est, contrairement à ce qu'on peut entendre dans certaines conférences ici, nous sommes très petits dans le monde de la hight-tech. Il y un seul domaine qu'Axelle Lemaire oublie malheureusement de mentionner et dans lequel nous sommes extrêmement bons, c'est l'imagerie numérique. On y est bons depuis toujours parce que l'imagerie c'est des algorithmes mathématiques, ce sont des formules, c'est du calcul matriciel, etc. On a une excellente formation en France sur l'imagerie numérique et la totalité de nos bons diplômés s'exportent directement vers Hollywood et ne reviennent jamais puisqu'il n'y a pas d'industrie de l'imagerie numérique en France... Point, là. Donc vous allez à côté des studios Universal, vous avez des boîtes qui sont staffées à 40% de français au point que dans certaines le français est devenu la seconde langue officielle de travail. Ce qui est quand même assez phénoménal.
Par exemple (réponse à question sur ce qu'est l'imagerie numérique), tout ce qui est manipulation d'image, détection, tout ce qui manipule de la bitmap, qu'elle soit 2D ou 3D, et qui travaille de l'image.
Et là, on est vraiment extrêmement forts... Et depuis des décennies. Et c'est un truc qui passe complètement à la Poste... On est tellement bons, on n'en sort pas beaucoup des étudiants en imagerie mais ils sont remarquables et ils se barrent tous parce qu'il n'y a rien à faire ici ! C'est quand même désolant...
Donc on a 50 000 étudiants. Tous les étudiants en Logiciel, en Informatique, qu'ils soient en Fac, IUT, Grande Ecole, à l'école 42 gratuite qui ne donne aucun diplôme, que sais-je encore, ils ont tous au moins un projet de fin d'études à faire. Sans exception. On a tous fait un projet de fin d'études.
Ces projets de fin d'études, dans la plupart des cas, donnent lieu à un beau rapport en PDF ou en papier qui encombre des très belles étagères... Et c'est tout ! On donne une note, on a éventuellement une mention, on a des félicitations, et c'est terminé, rangé, et puis cinq ans plus tard, un gars vient et vide tout et fout ça aux archives et c'est tout... Terminé, dehors.
(OUBLI DANS LE TRANSPARENT : un projet sur deux des 50 000 étudiants en CS est immédiatement visiblement inintéressant : mauvais sujet, mauvaise rédaction, projet raté, etc.)
Moi, je me suis amusé à reprendre dans mes anciennes écoles la totalité des projets sur cinq ans. Donc ce que je vais vous dire maintenant, les chiffres c'est pas du pifométrique, c'est du vécu. Sur la totalité des cinq années de projets de promotions de 200 élèves d'une grand école, y'avait un projet sur 5 qui présentait un intérêt industriel potentiel à la lecture du document. Un projet sur 5 est industriellement intéressant. Ça fait quand même 5000 (sur la France) environ. C'est déjà pas mal.
(réponse à question : sur deux écoles ; les 5000 sont sur la France)
C'est déjà très bien ! Après tout, tous les directeurs de projets ne donnent pas des idées industriellement intéressantes, et tout le monde ne réussit pas son projet non plus... Donc c'est déjà pas mal.
Et quand on creuse un petit peu et qu'on commence à fouiller les développements, le modèle économique, tout ça, là-dessus il y en a encore un sur 3 qui vraiment devrait donner lieu à une industrialisation ou en tous cas on devrait vraiment envisager le projet d'une startup construite sur cette technologie. Ça fait environ 1700 par an !
Donc qui traînent sur les étagères de tous les départements Informatique de France et de Navarre, y'a 1700 boîtes inexploitées. En gros, il y en a 10 à 11 qui se créent par an. Voilà, pas plus. Les autres ne viennent pas des projets étudiants, elles viennent d'ailleurs, elles viennent après, en général les étudiants créent leur boîte deux, trois ans après la sortie mais pas à la sortie. C'est très rare.
Tout cela est donc un champ de valeur, un champ de richesse, complètement ignoré, complètement sous-exploité au détriment non seulement de nous pour avoir de l'emploi intéressant et éviter de végéter en SSII, mais aussi au détriment de la valeur du pays, la richesse du pays, la création d'emplois, j'en passe et des meilleurs, notre balance commerciale export, etc.
L'attrait aussi pour les étudiants étrangers, les ingénieurs étrangers... Essayez d'attirer un gars de Silicon Valley pour venir en France si vous ne lui donnez pas 45 000 euros et le visa express comme cela a été montré ce matin, vous pouvez toujours rêver. Ah oui, Paris, la Seine, la Tour Eiffel, d'accord mais pour le boulot, vous allez parler des conditions de travail, vous allez surtout parler du salaire et là, ça va être totalement bloquant ! Rien à voir !
Donc en France, on essaye quand même des grosses initiatives... On parle depuis quand même les années 60 ou 70 d'une Silicon Valley «à la française». Ça a commencé par le déplacement de Supélec et l'École Polytechnique à l'époque vers les plateau de Saclay, au milieu de la pampa et c'est toujours la pampa... Bon, Paris s'étend un petit peu mais c'est toujours la pampa. Tout le monde veut aller là-haut en haut à droite (Paris sur l'image) et on nous propose de faire la Silicon Valley en bas à gauche (Saclay sur l'image), dans un endroit qui n'est accessible qu'au bout du RER B, avec 20 minutes de montée à pied de la colline de Lozère, dans un endroit où y'a pas un café, pas un cinéma, pas de logements, pas d'hôtel non plus pour accueillir des visiteurs et ou très franchement, accueillir des partenaires, ça va être honteux, quoi...
J'ai été étudiant sur le plateau de Saclay, et je peux vous dire que la première chose dont on rêve c'est de se barrer du plateau de Saclay ! On nous balance que les grandes boîtes vont débarquer, que tous les labos vont être là, pour l'instant il n'y a que la R&D d'EDF qui a basculé de Clamart à Palaiseau et les autres renâclent, renâclent, renâclent. Il y a beaucoup d'incitation gouvernementale mais c'est pas encore fait.
Donc je crois qu'on a un gros loupé là.
(réponse à question : oui, Thalès est là depuis longtemps, ils avaient déjà les labos là de l'autre côté de la cloture de Polytechnique. Mais ça reste relativement limité...)
Le café le plus proche est quand même à.... 5 kilomètres si on exclut les bars des élèves des écoles. Donc on va avoir du mal à attirer du monde...
C'est pas le quartier latin, c'est pas Paris. En Silicon Valley, et en Californie pour être plus précis, y'a un énorme mouvement depuis les années 2006/2007 de quitter le désert culturel de la Bay Area Sud, donc San José, Palo Alto, tous ces noms que vous connaissez, Mountain View, pour remonter vers San Francisco. Toutes les grandes boîtes Facebook, Google, Amazon, Mozilla sont désormais installées à San Francisco, les gens se sont enfin rendus compte que là-bas il y a une vie, on peut élever une famille, les gars qui étaient à 20 ou 22 ans à Palo Alto ou Mountain View, ils ont maintenant 35 ans, ils ont des enfants, et ils se rendent compte que San Francisco c'est quand même un chouïa plus cool que Mountain View by night où il y a une rue avec cinq restaurants.
Et nous, des années plus tard. on fait exactement le contraire, on ne se rend pas compte que l'attrait c'est Paris qui est un un phare dans le monde entier, la vitrine touristique du monde et qui plaît à absolument tout le monde, et on essaye d'attirer des étrangers et des investisseurs à Saclay... Je ne com-prends pas... Il suffit de le dire, pourtant.
Cependant en France, il y a des choses qui marchent très bien. Je vais vous parler de trucs dont moi j'ai bénéficié, les autres (BPIFrance, investisseurs, OSEO, etc.) j'en parlerai moins. J'en dirai deux mots mais ça va s'arrêter là.
J'ai créé ma boîte en été licencié par Netscape qui avait fermé, AOL nous avait planté un gros couteau dans le dos après un deal à $750m avec Microsoft, ils nous viré du jour au lendemain, enfin en tous cas les américains, pour nous ça a pris trois mois de plus, évidemment. Et j'ai donc bénéficié de pas mal de choses, et j'en oublié une, de l'ACCRE qui est l'aide à la création et la reprise d'entreprise par des demandeurs d'emploi. Vachement pratique !
En gros, si vous vous payez moins que vos indemnités chômage, l'état complète pendant un assez long moment. Donc c'est assez pratique, y'a vraiment une grosse aide de ce côté-là, on va dire que c'est un beau parachute.
Ensuite vous avez le statut Jeune Entreprise Innovante qui est vachement sympa puisque si mes souvenirs sont bons durant cinq ans, il vous donne un dégrèvement total d'impôt sur la société, et ensuite pendant trois ans un dégrèvement partiel. Donc c'est absolument majeur. Quand on se lance, la première chose qui se produit quand on monte une boîte, c'est le RSI et l'URSSAF qui vous contactent alors que vous n'avez même pas encore commencé pour vous demander de payer 7000€... Alors avoir des dégrèvements de cotisations sociales ou d'impôt sur la société, c'est une aide énorme. On est le seul pays à faire des trucs comme ça aussi rapidement.
Donc c'est très bien. Et après il y a le Crédit Impôt Recherche. Évidemment, il faut montrer qu'on fait de la R&D ou en tous cas qu'on fait du développement. Ça se fait relativement bien, c'est pas inutile de demander un rdv aux Impôts pour expliquer ce qu'on fait, on ne peut pas demander à tous les bureaux des impôts de comprendre votre métier, c'est pas leur truc. Si vous leur dites «écoutez, j'envisage un dossier CIR, je voudrais vous expliquer ce que je fais», ils sont très très contents et en général, c'est très favorable parce que vous avez fait la démarche. Ça donne beaucoup, beaucoup de pognon le CIR !!! C'est un garant d'entrée financière qui monte à tant de % de votre investissement R&D dans la limite de tant, donc pour une boîte normale à deux trois personnes, ça peut rapidement représenter 100 000 euros ! C'est vraiment très conséquent.
Tout ce qui est OSEO, BPI, investissement, prêts sur l'honneur, les régions, y'a énormément de choses auxquelles il faut s'intéresser mais il y a juste un problème, ça bouffe du temps, du temps, du temps... Il faut monter des dossiers, faut y aller, faut se déplacer, faut se présenter, et pendant que vous faites ça, vous ne codez pas.
Si vous avez un timing très serré de développement de votre boîte sur la base de votre technologie, c'est compliqué... Toute personne qui a démarré une boîte sait qu'il vaut mieux avoir beaucoup de pognon tout de suite parce que on code, on code, on code, tandis que si on a un seed money ou un petit investissement de départ, on va rapidement se retrouver dans une position où on n'a plus le temps de coder, il faut chercher de nouveau du pognon ! On ne peut pas faire les deux à la fois, c'est pas possible.
Alors la France pourrait aider plus... Je vous l'ai dit, mon histoire des étudiants et des 50 000 projets, quand on voit les €150m dépensés dans le Cloud Souverain, la question de départ reste valide, combien de boîtes on aurait pu aider à démarrer avec ça ?
Pour se poser la question, il faut envisager un plan d'action. Ce plan d'action pourrait être très simple et je vais le proposer à Axelle Lemaire dans les jours qui viennent.
La source des projets d'étudiants, ce sont les départements universitaires, grandes écoles, IUT dans lesquels ces projets sont réalisés et soutenus. Donc les meilleurs interlocuteurs sont les enseignants qui sont au courant de la totalité des projets réalisés, c'est souvent même eux qui ont donné les sujets ou en tous cas validé la demande de l'étudiant. C'est eux qui savent si le projet s'est bien passé, si le projet est intéressant, si la personne est capable d'industrialiser, etc. Ce sont aussi des gens qui ont en général en France des problèmes de fin de mois financiers.
Donc moi, mon idée, ce serait la carotte...